Après un intermède de presque vingt saisons, Alain Oreille, ancien pilote professionnel devenu chauffeur de taxi, a repris avec passion le volant d’une Opel Ascona 400. Lors que ces lignes paraîtront, le rallye du Maroc Historique, l’un de ses objectifs 2015, aura rendu son verdict…
Propos recueillis par Philippe Carles, Photo P.Jean/Archives Echappement
Echappement Classic : Quel était votre état d’esprit avant d’aborder ce rallye du Maroc ?
Alain Oreille : Remonté à bloc ! Grâce à Jean-Baptiste Rodriguez, propriétaire de cette Ascona 400, l’auto a pu bénéficier d’une préparation au top chez Jean-Luc Bolla pendant l’hiver. En 2014, elle n’était pas complètement aboutie. Au Maroc 2014, on perdait régulièrement les freins, et elle a consommé près de 45 litres d’huile durant le rallye. Au Tour de Corse, nous avons eu un seul souci, mais de taille : la direction assistée perdait de son efficacité dans les longues spéciales et c’était un calvaire. Sinon, nous avons montré que nous étions dans le coup du début à la fin. Notre programme 2015 comprend donc ce Maroc, le Tour de Corse et sans doute les Cévennes Historique. Et comme d’habitude, Sylvie et moi ne partons pas pour faire de la figuration…
Vous avez passé le cap de la soixantaine, et la motivation est toujours là ! D’où vient-elle ?
Tout petit, j’aimais déjà aller vite. A 11 ans, je savais déjà conduire les camions de mon père, et à 14 ans, je faisais des dérapages avec sa Traction dans le champ devant notre petite maison de Martigues. Lorsque j’ai découvert, quelques années plus tard, qu’on avait le droit de faire le con sur des routes fermées, dans des courses de côtes ou sur le circuit de La Malle, je me suis acheté une voiture pour courir. J’avais tout juste 18 ans, et je me suis lancé avec une BMW 1600 qui était une vraie tripe. Après, lui a succédé une Rallye 2, avec laquelle je me suis vite mis en évidence. Je me souviendrais toujours de l’article de Pierre Pagani, en mai 1975 dans Echappement, où il soulignait nos performances à la Ronde de la Durance.
Comment vous-êtes vous formé ?
Je suis un pur autodidacte. Je n’ai découvert le karting qu’à 30 ans, très tard.
Est-ce que le pilotage est un don naturel ?
En tout cas, j’ai tout appris sur le tas.
Au niveau financement, comment vous débrouillez-vous ?
Avec Sylvie, on s’est mariés très jeunes : elle avait 17 ans et était enceinte, et moi 18. On ne faisait aucun calcul d’avenir : nous étions des baba-cools, des beatniks, qui ne pensions qu’à la course… (Sylvie intervient : « On vivait comme des romanichels ! ») Je me souviens d’une course au circuit Paul Ricard, avec la Rallye 2, où on s’était inscrits en Groupe 1. Nous avions dormi dans une minuscule tente à deux places dans le paddock, et à la fin du week-end, nous n’avions plus d’argent pour manger… Mais on était heureux, on vivait pleinement notre passion, au milieu des Francis Vincent, Marie-Claude Beaumont, etc. La mécanique de la Rallye 2, je la faisais moi-même, et basta. Nous ne pensions jamais qu’on pouvait devenir pro : on voulait juste être devant les autres…
Justement, quand avez-vous cru que cela pourrait être possible ?
C’est pendant le Trophée Opel, en 1982, que j’ai réalisé quels pouvaient être les bienfaits d’une vie de pilote professionnel. A l’issue d’un week-end de reconnaissances de l’Antibes, nous sommes rentrés à Martigues pour travailler quelques jours avant le départ du rallye, tandis que François Chatriot et Bruno Saby étaient restés à l’hôtel, le dimanche soir. L’année suivante, grâce à un gros sponsor, j’ai pu peu à peu abandonner ma première profession de maçon-carreleur.
Est-ce que vous vous rappelez vos premiers succès, ceux qui ont eu une influence sur votre carrière ?
Avec la Rallye 2, il y a eu d’abord ce Rallye du Gard 1978, où nous avons fini 2e au scratch, devant une belle meute d’autos. On s’est dit qu’on n’était pas mauvais, mais qu’il fallait sortir de notre région. Puis, en 1979, au Mont-Blanc, je remporte le Groupe 2 : c’était loin de chez nous, il y avait de la concurrence, et l’épreuve comptait pour le championnat de France. Cette victoire-là m’a profondément marqué. Un peu plus tard, j’ai disputé mon premier Rallye Monte-Carlo (en 1985, avec une victoire en Groupe N sur une R11 Turbo, Ndlr). Jusque là, le Monte-Carlo, c’était un mythe, des nuits entières à écouter Radio-Monte-Carlo : eh bien, cette fois, c’était moi que les reporters mythiques de cette radio, Yvan Médecin et Bernard Spindler, interviewaient, et les gens applaudissaient mon auto, alors qu’une poignée d’années auparavant, je bavais en spectateur dans la spéciale de Pont-des-Miolans devant celle de Walter Röhrl ! Ces moments, c’était fabuleux et une satisfaction extrême. [...]
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